Base primordiale pour notre travail en typologie et tempéraments, les deux orientations Extraversion et Introversion sont connues mais peut-être pas toujours bien comprises... Je donnerai ici d'abord des sources et définitions avant de proposer une interprétation avec un 3e élément implicite.
Source : définitions types selon la plupart des sites MBTI...
- Extraverti : sociable, expansif, stimulé par ce qui se passe dans le monde extérieur, besoin d'interaction avec les autres, dynamique, plutôt orienté vers l'action...
- Introverti : réservé, tranquille, aime comprendre le monde avant de l'aborder, préfère écouter, aime être seul, plutôt orienté vers la réflexion, pense avant d'agir...
Source : d'après Jung lui-même...
Les deux types généraux se distinguent par leur attitude vis-à-vis de l'objet (autre).
- Extraverti : attitude « positive », s'oriente d'après l'objet auquel il se rapporte. Tendance à augmenter la valeur de l'objet. Souvent ouvert, enjoué et aimable, d'un abord facile, en « accord »...
- Introverti : attitude abstractive, veut enlever la libido à l'objet dont il semble vouloir se prémunir contre sa puissance. Nature fermée, difficilement pénétrable, souvent ombrageuse...
Jung développe bien entendu plus avant les particularités de ces deux attitudes qui ne concernent pas tant des gens isolés que des types généraux (pour ne pas dire des influences collectives...). Cette opposition fondamentale est toujours visible dans toutes les couches de la population selon une « cause inconsciente instinctive » qui aurait des antécédents biologiques... Ce que l'un – l'Extraverti – réalise par de multiples relations, se dépense/répand dans tout, l'autre le fait par un monopole (spécialisation), économie d'énergie... Un « renversement » du type trouble son équilibre psychologique et peut provoquer un profond épuisement (et Jung de développer les deux orientations selon les aspects conscient et inconscient). Autres de ses précisions à apporter :
- Extraverti : se soumet aux circonstances, pensant que c'est le mieux, s'oriente d'après ces faits extérieurs. Pense, sent, agit (3), en accord immédiat avec les exigences des conditions objectives. L'objet joue ici un rôle plus important que son opinion objective personnelle ; son « être intime » cède devant les nécessités extérieures. Si elles changent, sa conduite morale change aussi sans que « l'habitus d'ensemble » ne se modifie... Ainsi un Extraverti peut être inséré dans un « style » mais se trouver, en même temps, dans une situation anormale quant aux lois générales de la vie... Savoir distinguer ici l'insertion de l'adaptation ; l'insertion marque les bornes du type Extraverti qui doit sa « normalité » du fait qu'il exécute ce dont son entourage a momentanément besoin... Il fait ce qu'on attend de lui...
Extraversion : acte de transfert de l'intérêt du sujet à l'objet. Elle peut être passive, si l'objet l'obtient par force en attirant l'intérêt du sujet qui sera conditionné par l'objet...
- Introverti : reste persuadé que l'on peut tenter autre chose (que la norme), se réserve une opinion qui se glisse entre lui et la donnée objective. Cette opinion empêche l'action de devenir donnée objective. L'Introverti voit certes les conditions extérieures mais donne la prépondérance aux déterminantes subjectives. L'excitation sensorielle d'un objet est d'abord reçue par une ligne de conduite de perception. Il s'appuie sur une constellation subjective que l'objet extérieur fait naître en lui, forme d'une réserve du Moi. L'Extraverti pourra juger cette attitude égoïste, égocentrique... mais, de fait, le monde est aussi bien « tel qu'il m'apparaît ». Ne pas refouler le subjectif...
Introversion : rapport « négatif » du sujet à l'objet ; l'intérêt se retire de celui-ci pour revenir vers le sujet. Le sujet n'accorde à l'objet qu'une importance secondaire. L'introversion est dite passive quand le sujet est incapable de ramener à l'objet la libido qui s'en retire...
Jung précise enfin, à propos du « problème des types » , que certaines généralités sont nécessaires si l'on veut classifier et clarifier les matériaux psychologiques. La distinction relativement simple extravertie/ introvertie aboutit à la confrontation de deux individus. S'ils appartiennent au même type, ils pourront collaborer en harmonie ; s'ils sont différents, ils se heurteront assez rapidement.
L'Extraverti adopte toujours le point de vue de la majorité, l'Introverti le rejette par principe. Cette opposition explique que ce qui est valorisé par l'un est dévalorisé par l'autre. Freud considère l'Introverti comme maladivement occupé par lui-même mais l'introspection est une haute valeur pour la connaissance de soi... Au-delà de ces deux évidences de comportement, Jung a décliné aussi 4 fonctions fondamentales par lesquelles la conscience s'oriente par rapport à l'expérience. Car si les événements extérieurs provoquent la prédominance de l'extraversion ou de l'introversion, ils favorisent aussi la prédominance d'une de ces 4 fonctions. Si, dans un premier temps, Jung avait confondu la fonction Pensée avec l'Introverti, et la fonction Sentiment avec l'Extraverti, cette conception s'est avérée insoutenable dans la catégorisation de ses 8 types psychologiques...
Interprétation : On l'aura compris, les premières définitions style MBTI ne peuvent satisfaire la connaissance complète du concept Intro/Extra... Jung annonce même que chaque individu, pour son équilibre, est amené à « compenser » son orientation par un peu de l'autre... Des précisions s'imposent pour sortir de la distinction simpliste Extra/sympa et Intro/timide donc égoïste... Ce sont pourtant encore celles communément admises – même en Psychologie de la Personnalité contemporaine – avec focalisation sur l'Extraversion comme modèle social d'excellence, notamment en Entreprise...
La question semble ici porter sur le vocabulaire ; un mot ne désigne pas tant une chose qu'une certaine « idée sociale »... Les termes Extraverti et Introverti seraient-ils les mieux choisis pour expliquer ces concepts ? Complément d'enquête :
- L'Extraverti, enthousiaste, va vers l'autre mais est donc conformiste... Jung le dit, cette « insertion » peut aller jusqu'à l'anormal quant aux lois générales de la vie... Pour ceux qui n'ont pas toujours pas compris, cela signifie que l'Extraverti serait l'archétype « monsieur tout le monde » qui tourne le variateur électrique de l'expérience de Milgram parce qu'une autorité lui demande...
À l'inverse l'Introverti ne serait pas tant celui qui a pris du recul pour éviter la dérive collective que l'individu – opportuniste – qui saura, seul, profiter de certaines occasions pour son intérêt personnel.
- Les termes Accord et Désaccord – parfois repris par la PNL – seraient-ils plus judicieux ? Le Désaccord, « contre » par principe, irait comme un gant à l'Introverti ; c'est mal le connaître car « faire valoir sa différence » n'empêche pas son implication à l'expérience, les Hypnotiseurs savent ainsi le déceler à coup sûr... Les termes Accord/Désaccord – plus aptes à désigner le Suppliant et le Blâmeur – ne rendent pas compte non plus de « l'orientation » judicieuse entre sujet et objet...
- Pourrait-on aussi définir les deux types primordiaux par Objectif/Extra et Subjectif/Intro ? L'orientation est ici conservée ; le type objectif se baserait sur des faits concrets extérieurs et le subjectif sur des opinions plus personnelles, voire des croyances, en filigrane de ses observations... Mais on a là une inversion des processus riche de sens ; le Rationnel objectif serait un Extraverti et le Sentiment subjectif, un Introverti !
La meilleure image que j'ai trouvée pour clarifier ce dernier paradoxe est celle des deux clowns blanc et rouge (d'autres traditions vous parleront peut-être de colonnes, de rigueur et de miséricorde...). Juste adopter ici une base fixe tirée de la croix des éléments : Rationnel/pensée/clown blanc à gauche et Distracteur/sentiment/clown rouge à droite... Le spectacle des deux clowns plaît parce que le spectateur s'identifie, inconsciemment, à deux facettes de sa personnalité. Le problème n'est pas de savoir s'il est l'un ou l'autre puisqu'il est les deux, certes plus ou moins... Au final, il ne s'agira pas tant d'opposer deux individus que de « scinder » une seule personnalité entre ses contradictions ou besoins... Rappelons que, pour son équilibre, un individu doit savoir « compenser » grâce à cette balance émotionnelle... Principe des deux activités/comportements différents selon les moments d'un cycle : travaille le jour, s'amuse la nuit... Réside en ville, passe ses vacances à la mer... On aurait bien là une explication pertinente du truc, facilement applicable en items d'observations pour la démarche empirique de terrain.
Reste cependant le mystère de la Base 3, quid du Tertium non datur ? Du grand Jung ! et pour cause, le Pape reste invisible... Il est celui qui prend la place de l'ego/fonction dominante du sujet pour « travailler » avec ces deux fonctions auxiliaires Extra/Intro plus en retrait... Celle du « Jour », où l'individu est dans l'obligation sociale collective... Celle de la « Nuit », où il sera autorisé à plus se préoccuper de lui-même... (Attention, ces significations peuvent s'inverser selon les Traditions. La Nuit peut être l'absence de forme/individualité au profit du collectif/nominalisation – la Nuit, tous les chats sont gris – et le Jour l'Éveil qui « fabrique » des formes transportables dans un char/brouette...).
On ne pourrait vraiment atteindre la partie introvertie qu'avec « l'accord » de l'extravertie...
Ce principe connu, ne surtout pas chercher à définir – comme Jung – des typologies de la tradition selon ces deux seuls critères car, à l'instar de l'ennéagramme ou même du scientifique Pavlov, il y en a bien 3... Face à nous, un individu sera « plutôt » en désaccord/ego, puis en accord de plus en plus croissant jusqu'au Suppliant... Nous reviendrons sur ces idées de « niveaux ».